Edito et propos recueillis par Erwan Lebaut, Capoeiragem, Ecole Senzala Toulouse - Mai 2017
Je m'entraîne avec le groupe Senzala Toulouse du Mestre Afonso Vida Nova depuis environ un an. J'ai logiquement rejoint ce groupe en arrivant à Toulouse, car c'est au sein du groupe Senzala à Lyon que j'avais commencé la capoeira en suivant les cours de Professor Caroço, un élève de Mestre Chao.
J'y avais trouvé une chouette petite famille accueillante et sympathique, et mes camarades des cours et Caroço sont devenus des copains au sein et en dehors de la capoeira. L'aventure de l'amitié a continué à Toulouse où le groupe m'a accueilli avec autant de sympathie et de sourires, me donnant à revivre et à abonder dans le sens d'un groupe de copains ouverts, chaleureux, toujours prêts à s'entraider, à partager, à l'heure de la roda ou au moment de la troisième mi-temps. Tout en m'entraînant avec Mestre Afonso Vida Nova et les différents professeurs de l'association Capoeiragem, j'ai gardé mon affiliation au Professor Caroço de Lyon ; ayant commencé avec lui, il a été le premier à me transmettre le virus de la capoeira, et pour le moment je trouve encore du sens à penser que l'acharnement que je mets dans l'entraînement est une façon de le remercier pour son travail dans la capoeira et la transmission de sa passion.
Pour encourager ce lien entre le groupe de Lyon et celui de Toulouse, Prof. Caroço a souhaité, en fonction des disponibilités de chacun, inviter les enseignants du groupe toulousain pour son deuxième festival (Festival Capoeira Me Chama – Prof. Caroço / team CapoFit).
C'est donc à cette occasion que, début avril, une jolie troupe de toulousains a fait le déplacement jusque dans les contrées lointaines de l'agglomération lyonnaise.
J'étais heureux d'avoir la présence du Mestre Afonso Vida Nova vendredi soir lors des changements de cordes, ainsi que le soutien, entre autres, de deux enseignants de l'association Capoeiragem : Inst. Jamelão (Chris) et Prof. Espeto (Yohann), qui faisaient alors leur premier déplacement à Lyon dans le monde de la capoeira en tant qu'invités.
Nous avons souhaité les interviewer sur leur ressenti de ce festival et des cours donnés.
1) C'est la première fois que tu fais le déplacement jusqu'à Lyon ? Qu'est ce qui t'a motivé à y aller ?
Chris : C'était la première fois que j'allais sur Lyon. Bien que je connaisse déjà des capoeiristes sur Lyon comme Mestre Chao et son groupe c'est sûr que la distance était un frein. Mais aujourd'hui cette distance s’estompe après avoir rencontré pas mal de capoeiristes de la région avec qui j'ai passé un bon week-end et partagé des moments sympas de capoeira. Ce qui m'a motivé à faire le déplacement, c'est le fait, déjà, d'être invité, bien sûr il faut être honnête, et surtout la place que donne le Prof. Caroço à la nouvelle génération de professeurs et instructeurs français dans son événement.
Yohann : Même si Lyon est de l'autre côté des montagnes, cela ne nous empêche pas d'avoir une connexion forte avec pas mal de Lyonnais. Je connais bien Mestre Chão qui est un ami de longue date d'Afonso, ainsi que certains de ses élèves gradés. Aussi on croise souvent la branche lyonnaise de Mestre Sorriso : Pixote & Covinha. De plus j'ai eu la chance de vivre un Marcevol* d'anthologie avec comme acolytes lyonnais Vapor & Taxinha avec qui on a bien sympathisé. [*Marcevol est un petit village dans les Pyrénées Orientales où Mestre Samara et Mestre Afonso organisent une semaine autour de la capoeira et de la culture afro-brésilienne. L’édition 2017 : 19-25 août.]
2) Toi qui participe au bon déroulement du festival du Mestre Vida Nova à Toulouse, qu'as-tu pensé de la deuxième édition de ce jeune festival ?
Y : On a été super bien accueillis par l'ensemble de la team lyonnaise, j'ai eu la chance de pouvoir discuter avec pas mal de monde durant ce week-end et tous les participants étaient unanimes sur l’accueil.
C : Pour être présent au bon déroulement du festival toulousain de la Senzala Family avec Afonso Vida Nova, j'ai trouvé qu'en termes d'accueil, d'organisation, c'était très bien huilé pour une deuxième édition grâce au travail d'un bon groupe de personnes impliquées, ce qui permettait à Caroço d'être libre pour donner des consignes aux intervenants ce qui a permis une bonne gestion du planning. C'est vrai que sur la gestion du planning... une chose est certaine, c'est le 2ème festival de Caroço mais ce n’est pas sa deuxième année de capoeira. On ressent très bien qu'il a étudié et réfléchi sur ce qui marchait ou marchait moins bien dans les autres festivals et ceci afin d’en tirer le meilleur pour le sien. Une gestion de planning originale menée par une super équipe. Tous les ingrédients étaient présents pour faire de ce festival un super moment de partage autour de la Capoeira !
3) As-tu noté des choses originales, notamment des choses à discuter au sein de l'association Capoeiragem ?
Y : Il y a beaucoup de choses positives qui ressortent de ce festival. Dans son planning Caroço n'a laissé aucun instructeur ou professeur en marge. Quitte à leur donner un espace d'expression un peu plus court que ce qu'on a l'habitude de voir (45 minutes). Il fait profiter des savoirs de tout le monde à tout le monde. Après c'est sûr qu'on aimerait toujours avoir un peu plus de temps mais si on se focalise sur ce que l'on veut vraiment partager : 45 minutes c'est un bon timing. Caroço l'a très bien compris. Donner la parole à tout le monde permet justement de laisser s'exprimer les « nouvelles générations », qui ont tout de même des dizaines d'années d'expérience derrière eux. Cette génération est la première génération française formée par les brésiliens. Elle a des choses à dire et à partager mais peut-être d’une manière différente ! Expérience, histoires personnelles, pédagogies nouvelles, une vraie chance de pouvoir échanger sur tout cela ! Caroço n'a pas oublié non plus les débutants qui, il est vrai, sont parfois spectateurs malgré eux d'une bonne partie du temps du festival, notamment pendant les rodas ! Sous l'impulsion positive de Caroço, une grande place leur a été laissée et des moments rien que pour eux leur ont été accordés. Une super idée que je n'avais vue nulle part ailleurs. Juste avant la reprise d'après la pause repas, une roda a été organisée et les gradés ayant une corde verte ou au-dessus n'avaient ni le droit de prendre les instruments, ni le droit de jouer dans la roda. Franchement la roda était super. Au bout de 20/30 minutes il a autorisé tout le monde à rentrer dans la roda. Les débutants étant bien chauds et ils ont accueilli les avancés avec le sourire et une certaine assurance, c'était super à voir et à vivre ! L'énergie était là pour reprendre de plus belle!
C : Effectivement la roda des élèves plusieurs fois dans le week-end est une idée intéressante. Le principe de cette roda était simplement que seul les élèves géraient la batteria, dans la roda c'était réservé aux élèves débutants jusqu'à un niveau défini et pour tous les autres qui voulaient jouer il fallait automatiquement acheter avec un débutant. J'ai trouvé l'idée intéressante car ça laisse la place aux élèves pas encore gradés ou débutants et leur permet de s'exprimer à la batteria et dans la roda.
Y : De multiples rodas ont eu lieu après les cours avant de fusionner en roda finale. Tout le monde a pu s'exprimer jusqu'à plus soif, débutants et avancés ! Une vraie réussite!
4) Tu as donné un cours le dimanche du festival, as-tu le sentiment d'avoir pu exprimer ta vision de la capoeira, de ta pédagogie ?
Y : Oui, justement. Je me suis focalisé sur ce que je voulais vraiment passer, je l'ai décliné d'une façon où chacun pouvait s'approprier ce que je leur ai enseigné, en espérant que cela fasse son chemin pour et par chacun. Je n'ai pas passé de séquence à proprement dit, mais des astuces de roda, des réflexions sur le jeu, des pistes à développer pour s'entrainer. J'espère avoir ouvert quelques portes. J'ai eu des supers retours aussi bien des débutants que des avancés et des profs ayant participé aux cours, c'est super encourageant!
C : Le dimanche matin après l'échauffement collectif j'ai donné un cours d'une heure coupé en deux, 30 minutes avec les débutants et 30 minutes avec les avancés. Cette première expérience était sympa, j'ai pu faire passer ma vision de la capoeira et partager ma pédagogie en fonction des niveaux différents. J'aurai bien fait une séance Kangafit mais pas le temps :).
5) C'était un cours hors cadre habituel pour toi qui donne déjà des cours depuis des années, le fait d'être en festival, regardé par tous, d'avoir des profs participant à tes propres cours, rajoute-t-il un stress supplémentaire ?
Y : Je co-organise entre autres le Festival de Capoeira des enfants de l'asso Senzala Toulouse depuis 6 ans maintenant, un festival qui regroupe à chaque édition plus d'une centaine d'enfants. Comme le dit Mestre Garrincha, les adultes c'est cool, c'est politiquement correct, ça écoute ; les enfants, quand il y a quelques chose à dire, ils le disent, donc non je n'étais pas stressé, au sens propre du terme, de me retrouver face à d'autres profs. Mais c'est vrai que cela fait toujours un petit quelque chose quand tu demandes à tout le monde de se rapprocher pour commencer le cours et que tu vois des instructeurs, des profs venir avec des yeux curieux avec en guest star Prof. Caroço, l'organisateur du festival ! Vu que c'était dimanche, on avait déjà eu le temps de sympathiser les uns avec les autres durant des jeux dans les rodas et durant les soirées aussi... et comme l'ambiance était très bonne, c'était plus motivant que stressant !
C : C'est vrai que d'être regardé par des maîtres et d'autres profs en donnant un cours peut rajouter un stress en plus mais honnêtement j'étais plutôt à l'aise surtout que le cours que j'ai donné était axé sur une façon de jouer dans la roda que je travaille énormément en ce moment donc c'était assez clair et précis dans ma tête et à force de travail, je commence à trouver la bonne pédagogie pour que le cours plaise et soit bien assimilé.
6) Conseillerais-tu ce festival à quelqu'un ? Retourneras-tu au festival de Prof. Caroço à Lyon l'année prochaine ?
Y : Les yeux fermés ! Cela me tarde déjà d'y retourner ! L'osmose qu'il a su créer entre tous les participants est tout juste géniale ! Je ne connaissais pas Caroço avant mais de ce que j'ai pu en voir et de ce que j'ai pu en entendre, c'est un mec qui humainement assure, sans compter la super équipe qui l'accompagne, très organisée et toujours disponible ! On a vraiment passé des supers moments dans et en dehors du festival ! Caroço considère tout le monde et il prend le temps de parler à chacun indépendamment du grade que tu peux avoir. Ça fait vraiment plaisir de rencontrer des personnes de cette valeur-là ! Il sait mettre les moins expérimentés à l'aise et tient un bon discours avec les plus avancés pour donner sa vision des choses. Il ne force jamais les choses, il les propose d'une façon toujours intelligente ce qui fait que l'on ne peut être que d'accord avec lui. Un mec discret qui gagne à être connu.
C : Sans aucune hésitation je conseillerais à d'autres personnes de découvrir ce festival très convivial et super chouette, moi-même le premier j'y retournerai, il me tarde déjà la 3ème édition pour revoir tous les capoeiristes avec qui j'ai noué des liens et le réseau lyonnais que je connaissais déjà un peu.
7) Un mot plus général de la connexion entre les groupes lointains dans la capoeira ?
Y : Pour ceux qui sont dans la capoeira depuis quelques années et qui prennent part aux différents évènements réguliers, la connexion est là ! À titre d’exemple, je n'avais jamais mis les pieds à Lyon or je connaissais déjà pas mal de capoeistes Lyonnais. On se croise et se re-croise dans les festivals auxquels on participe. On apprend à se connaitre et on tisse de vrais liens d'amitié avec certains. Du coup on s'invite et on se rend visite. Depuis près de 18 ans dans la capoeira, j'ai pu ainsi rencontrer pas mal de monde aux 4 coins de l'Europe (Genève, Helsinki, Amsterdam, Sofia, Rome...) et dans toute la France. On partage des supers moments avec toutes les personnes rencontrées. On apprend à découvrir d'autres cultures, d'autres façon de penser et cela nous permet d'avoir plus de recul pour appréhender nos vies. Une facette de la capoeira très enrichissante qui ne s'offre qu'à ceux qui voyagent.
C : Je pense que les connexions entre les groupes aussi éloignés soient-ils par la distance ou le style devraient être plus importantes. Je pense qu'on a tous à y gagner à faire des échanges entre groupes et ça permettrait un développement du travail de chacun plus large en France et/ou en Europe, pour le grand nombre de profs européens de capoeira aujourd'hui qui font un gros travail chacun pour l'émancipation de la capoeira.
Y : Pour conclure, je tiens à remercier Caroço pour l'opportunité qu'il nous a donné et surtout pour la positivité et l'humanisme qu'il dégage ; la Team Lyonnaise qui l'entoure sur cette aventure et qui nous a accueilli dans les meilleurs conditions possibles ; Erwan qui est un ambassadeur de choix, autant apprécié à Toulouse qu'à Lyon. Un grand merci à Correderor qui nous a reçu comme des rois chez lui ; aux capoeiristes avec qui j'ai pu partager tout au long de ce festival et la Senzala Familia avec qui on passe toujours des supers moments ! Vivement la prochaine !!!