Par Marie-Jeanne et Erwan, Capoeiragem, Ecole Senzala Toulouse - Février 2018
La pratique de la capoeira nous amène à un moment ou à un autre à nous intéresser à son Histoire avec un grand H, à lire les biographies de ses fondateurs, de ses penseurs. Elle nous conduit à nous déplacer dans d’autres groupes, à y rencontrer de nouvelles personnes, et à nous intéresser à leur parcours dans capoeira. La capoeira ouvre l’esprit et stimule la curiosité. Cependant, il arrive que l’on omette de regarder ou d’écouter ce qui est le plus proche de nous et pour lequel on devrait avoir une attention privilégiée. Que connait-on de celui qui nous enseigne chaque semaine et peut être depuis des années ses savoirs ? Comment comprenons-nous sa façon de « ginguer » ou de faire vibrer l’arame ? Quelle lecture peut-on avoir de son enseignement ?
Même si nous ne répondons pas à ces questions, il est judicieux de penser que connaître un petit plus de l’histoire de notre Mestre puisse nous ouvrir les yeux sur certains points, éclairer nos jugements et stimuler notre reconnaissance.
Empreint de cette idée nous avons écouté Afonso Vida Nova nous parler de son histoire. Nous vous laissons découvrir !
Souvenirs d’enfance
« Zona este », São Paulo, Brésil, les enfants s’émancipent dans la rue qui est le terrain de jeu quotidien. Il suffit de voir l’étincelle s’allumer dans les yeux d’Afonso pour comprendre que cette période innocente de l’enfance passée à déambuler, à jouer, à inventer, à apprendre composent une enfance heureuse.
Je me souviens qu’à l’époque je vivais dans une maison avec mes parents et mes frères. Mon frère aîné, ma tante et mon oncle y sont encore. Aujourd’hui quand je retourne dans ce coin, c’est là-bas que je séjourne, dans la maison sur le terrain de mon enfance qui hébergeait aussi ma grand-mère maintenant que j’y pense. Mais tout a changé, ils ont fait beaucoup de travaux depuis.
Nous avons beaucoup déménagé, nous sommes allés à Mina Gerais, et mon père a voulu refaire la maison dans le terrain à São Paulo, alors nous y sommes retournés. Il y a eu d’autres déménagements, mais d’une manière ou d’une autre, nous retournions toujours dans la maison de São Paulo. Puis quand mes parents se sont séparés, je crois que ma mère voulait quitter le quartier. Aujourd’hui elle vit sur la côte à Itanaé avec Nelson qu’elle a rencontré avant que je ne quitte le Brésil.
Nous avions des poules, des lapins et plusieurs chiens. Mon quotidien était rythmé par les jeux de plein air : les jeux de billes, le jeu du voleur, il y avait aussi les « pipas » ces fameux cerfs-volants et bien sûr, les bagarres et le foot. J’ai joué longtemps au football, j’avais commencé dans un club de quartier. On rêvait tous de faire carrière ! Mon père était dans la police, et au final j’ai eu l’enfance classique dans une famille avec peu de moyens dans la banlieue pauliste des années 70. Puis en grandissant, j’allais traîner avec les copains dans la discothèque du coin qui faisait bal d’après-midi, c’était le samedi je me souviens. On allait y danser des slows, écouter les tubes internationaux des années 80 ; c’était la funk, «Earth, Wind and Fire », et de la funk brésilienne aussi. C’était un quartier populaire et il y avait une école de samba qui répétait souvent le week-end en vue du carnaval, je voyais la danse, il y avait aussi des batucadas, c’était rare mais c’était mon seul contact avec la culture brésilienne finalement, même si sur les ondes on entendait pas mal de MPB (« mùsica popular brasileira »). On avait des fêtes de quartier, le défilé du carnaval, bien sûr ce n’était pas comme à Rio mais il y avait beaucoup de démos dans la rue, ça créait de belles ambiances pour des enfants ou des ados : on se jetait de la farine, de l’eau, des jeux un peu bêtes quoi, mais qui allaient bien pour la chaleur qu’il faisait dans le coin !
Je me rappelle aussi du Forro à la « Casa do Norte », un endroit où s’organisaient des évènements populaires du nordeste, dans une ambiance festive autour de repas et de danses. Nous étions trop petits pour participer à ces évènements mais une fois nous sommes arrivés à nous infiltrer en douce au milieu de tout ça. Sinon on restait à la porte, dehors, à écouter. J’allais oublier les fêtes de la Saint-Jean où se jouait aussi du Forro, la musique « Sertaneja ».
Je connaissais très mal la culture brésilienne. Elle ne me passionnait en rien à l’époque de l’adolescence où on avait tous les yeux tournés vers Babylone et les Etats-Unis ! Mais je me souviens de contes, le Saci Perere (d’influence plutôt africaine), Negro do pastorinho (le noir du petit pré), le Mulo sem cabeça (cheval sans tête), a cuca (c’était un crocodile je crois). On n’avait pas halloween, et l’enfance était beaucoup plus imaginative à cette époque, on se donnait le temps d’imaginer ! Ces personnages de contes sont dissociés du candomblé où il n’y a que des entités religieuses, mais tout ce folklore est encore très puissant de nos jours, les gens disent « on n’a pas besoin d’halloween, on a nos propres mythes ! »
C’était la crise à l’époque, et les gens étaient très croyants. Ma mère a toujours été très croyante. Elle allait partout : église catholique, chez les prêtres du candomblé, partout où elle pouvait parler aux esprits ! Elle nous emmenait souvent faire des vœux et parler avec les « Orixas », les entités totémiques du candomblé. À ce propos, je me souviens des ambiances festives du candomblé, tout le monde était en blanc, les enfants avaient droit aux sucreries. On appelait ce lieu de fête, de prières et de communion, le « Terreiro », et les sons des tambours battent encore dans ma mémoire. J’étais tout petit les première fois où j’y allais, mes parents étaient encore mariés, mais c’était probablement mon premier contact avec la percussion qui ne m’a jamais lâché d’ailleurs.
Au milieu de ces ambiances j’ai moi-même parlé aux entités, j’ai parlé à Preto Velho ! J’étais timide, mais ma mère nous encourageait à entrer en contact avec les esprits, ça m’impressionnait. Mais je préférais ça aux églises, qui étaient vite ennuyeuses !
Le fruit d’un métissage
Brassage des origines et influences culturelles diverses : ce pourraient être là l’essence du désir d’émancipation et de découverte du monde qui ont et qui continuent de guider la vie d’Afonso.
Ma grand-mère maternelle est descendante d’esclaves, elle était noire bien sûr. Elle était très pauvre et je n’ai donc pas beaucoup de souvenirs comme les photos. J’ai néanmoins une image en tête, les visages de mon arrière-grand-mère, et de sa sœur Anastasia, que nous allions voir en maison de retraite. C’était une femme très forte ! Je me souviens qu’elle avait les yeux clairs, c’était la cataracte. Du côté paternel ce sont des indiens Guarani, qui étaient très présents dans la région de São Paulo. Je dois avoir une photo de mes aïeuls paternels, faudrait que je remette la main dessus... J’avais en moi un peu d’italien, des unions du côté de ma mère, et un peu de portugais, des unions du côté paternel.
Une de mes arrière-grands-mères avait connu la fin de l’esclavage. Bien entendu il n’y avait pas de livret de famille tenus à jours, les gens naissaient, et on en avait pour preuve qu’ils étaient bel et bien là ! Malheureusement je n’ai pas d’ascendance notée, pas d’arbres généalogiques. Notez au passage qu’à São Paulo, comme dans tout le pays d’ailleurs, il y a plus de 250 langues parlées, c’est vous dire la mixité qu’il y a eu, et qu’il y a encore. Dans cette région c’était les Indiens Tupi Guarani, on retrouve cette historique dans les noms de rues, certains noms d’institutions sont encore indiens. Il y a même une banque qui s’appelle Itau : « ita » c’est la pierre en langue guarani, et itau voudrait dire « la pierre glissante ». Et si vous vous baladez sur la côte, vous passerez de nombreuses villes qui portent des noms indiens.
Etudes, travail et découverte de la Capoeira
En parallèle des études, le travail s’inscrit très tôt dans la vie d’Afonso en raison, certes, d’une nécessité financière, mais surtout d’une volonté d’indépendance et de liberté. Liberté que la capoeira qu’il voit, mais qui le séduira que beaucoup plus tard, motivera et nourrira tout le long de son existence
À l’âge de 13 ans j’ai commencé à travailler je n’avais pas le choix si je voulais aller au cinéma, sortir etc. Nous étions d’un milieu modeste. Mais aussi loin que je me souvienne j’ai toujours eu ce besoin d’être indépendant, cette volonté de quitter la maison, de m’échapper, de voir le monde. J’ai même fugué! Un jour, j’ai embarqué mon camion en plastique et j’ai sauté dans un bus. J’en suis descendu sans savoir où j’étais bien entendu. Alerté par mon errance, des gens m’ont interpellé. C’est au commissariat que mes parents sont venus me chercher (mon premier contact avec la police !). Je ne vous raconte pas la raclée… Disons qu’en ce temps-là l’éducation ce n’était pas une affaire de dialogue… !
Je n’avais école que le matin je crois, et j’allais travailler l’après-midi. J’ai fait différents petits boulots. J’étais « Office Boy », garçon de bureau, en gros je faisais des photocopies. Quand j’allais livrer du courrier, il m’arrivait de voir des rodas de capoeira à « Praça da Sé », et aussi à la fameuse « Praça da republica ». Je prenais le temps de m’arrêter, je jetais un coup d’œil, l’ambiance musicale me captivait c’est vrai. C’était là mon premier contact avec la capoeira. Comme je vous disais toute à l’heure, petit, je passais beaucoup de temps à l’extérieur avec les copains, et il y avait une place dans mon quartier, avec un type qui passait de temps en temps, et il commençait à s’entraîner à faire des « macaco », des « au » (il s’entraînait avec un de mes voisins de l’époque qui était originaire de Salvador de Bahia, ça me revient !). Mais ils ne faisaient pas de musique, pas de roda, c’était juste pour s’entraîner comme ça. Et nous bien sûr on a voulu faire pareil à l’époque, donc on a commencé à bosser quelques acrobaties, rien de bien impressionnant. Et puis ce n’était pas de la capoeira, c’était un contact superficiel, sans investissement, avec l’insouciance des enfants qui mélangent plusieurs jeux. Tout ça pour dire que c’est autour de mes 13 ans que j’ai découvert le rituel de la capoeira, une vraie roda avec batteria et jeux de capoeira.
J’ai aussi bossé dans une banque mais je ne sais plus exactement quand. Par contre mon dernier job au Brésil fut à l’usine Ford, du travail à la chaîne, j’avais alors 17 ans. J’avais commencé à temps plein et comme je nourrissais le rêve de devenir Dessinateur Industriel, je continuais quand même le lycée, avec des cours le soir, et je révisais la nuit et le week-end. C’était le père d’un copain qui m’avait fait rentrer à l’usine, et en parallèle, donc, j’allais au Lycée Atheneo, à São Caetano, non loin de São Paulo mais avec du temps de trajet considérable quand même, ce qui me faisait des journées assez lourdes. D’autant plus que j’étudiais l’anglais aussi à la même période, c’était le samedi, je m’en rappelle. J’étais jeune, motivé, ambitieux, je ne voulais pas reproduire le schéma des adultes que je voyais, je voulais m’extirper de chez moi et de mon milieu, je voulais m’émanciper, participer à la vie de la grande Babylone, quoi ! Puis le rêve du design industriel s’est effondré à la suite d’une conversation avec un collègue de l’usine. Un homme marié, des enfants, issu du même milieu social que le mien, 6 ans d’expérience, qui avait fait des études d’ingénieur, et pourtant encore emprisonné dans son travail à la chaîne ! « J’ai pas envie de ça pour moi ! », je me suis dit. En plus de mes envies de départ, j’étais déjà un peu « révolutionnaire », dans le romantisme le plus pur de la jeunesse dirons-nous ! Je ne voulais pas ce mode de vie pour moi, je voulais briser le cercle. Je me souviens, je mettais des annonces dans les journaux pour communiquer avec des gens à l’étranger, à l’époque ça se faisait. Je recevais des cartes postales de Finlande sous la neige, des États-Unis, de l’extérieur quoi, ça me faisait rêver d’un ailleurs! (Mais bon, maintenant la neige, merci hein, je suis vacciné !). J’ai commencé à comprendre que grimper dans l’échelle socio-professionnelle allait être difficile et je me suis dit que je ne pouvais pas réussir la vie que je voulais en restant ici, je devais partir, la capoeira c’était un truc de voyou je n’y pensais même pas ! J’avais des fantasmes sur le monde, « l’american dream » ! Et j’avais la curiosité de connaître l’histoire, les différentes cultures etc.
Un copain partageait mes envies d’émancipation, et on est parti tous les deux. Nous ne connaissions même pas le Brésil, notre propre pays, et nous voulions aller au bout du monde !
Ado, j’étais à fond sur le boulot, la carrière, l’avenir, il fallait réussir ! Je connaissais quelques villages autour de São Paulo, je n’étais même pas aller à Rio une seule fois. Je n’avais ni le temps ni l’argent de voyager dans le Brésil, et puis les transports ce n’était pas génial à l’époque. En fait c’est en me souvenant de mon enfance que je réalise que j’ai découvert mon pays en y revenant plusieurs années après l’avoir quitté.
Le grand départ
C’est avec une autonomie forgée depuis l’enfance, une ambition d’adolescent, une revendication de vivre « sa » vie et une bonne dose de culot, qu’Afonso a réuni quelques dollars et pris le chemin de l’aventure.
Décision prise, j’ai négocié mon départ de Ford, j’avais des livres, des vinyles, un vélo, j’ai tout vendu. Un revendeur d’occasion m’a tout acheté, j’avais quelques économies du boulot, et mon père m’a donné 300 dollars après bien des négociations, car, bien sûr, il ne voulait pas que je parte. Mais quand il a compris, quand il m’a compris, il a accepté de m’aider. Comme je vous disais précédemment, c’était la crise : le président du moment a changé la monnaie et le pays était en rupture. Si bien qu’à l’agence de voyage où j’ai pris mon billet (on n’avait ni téléphone ni application pour le faire !), le patron m’a dit « Tu as raison mon gars, tu as raison de partir, ici les comptes sont bloqués, je n’ai plus un rond à cause du président et de son bazar. Tu te rends compte, j’ai 60 berges, j’ai bossé toute ma vie et aujourd’hui je me retrouve sans rien. Toi tu as du dynamisme, de la volonté, t’es coriace, sache que je regrette de ne pas avoir fait comme toi ! ». Ce n’était pas grand-chose, mais il m’a donné beaucoup de courage et j’ai acheté mon billet. C’était plus difficile de partir à ce moment-là que de nos jours je pense, on n’avait pas internet, pas de contact à l’étranger, le monde était moins mondialisé tout simplement ! (la première fois que j’ai touché un ordinateur je devais avoir 18 ans et c’était en Europe !) C’est finalement le vieux continent qui m’a intéressé, je voulais connaître l’histoire, je n’avais alors pas de réelle conscience de ce qu’avait pu être la réalité de l’histoire, du colonialisme et tout ce qui est allé avec.
Malgré mes leçons d’anglais, l’Île Britannique s’avérait être trop compliquée, le Portugal ne m’attirait pas particulièrement, alors j’ai pris un billet pour Madrid (je me suis dit « ça passe, l’espagnol ça ressemble au portugais ! »).
J’avais 300 ou 400 dollars en billets de 1 et de 5 dollars, une énorme liasse ! Je ne pouvais pas prendre l’aller simple alors j’ai pris un A/R pour trois mois. J’ai pris l’avion pour la première fois, entendu des gens parler une autre langue, trois mois c’était bien pour expérimenter et voir venir. J’avais dans ma valise du café du Brésil pour offrir à je ne sais pas qui ! (C’était le « Café Pilote »). Je l’ai quand même offert à des Suédois dans l’avion, ils n’en voulaient pas mas moi je voulais absolument qu’ils le prennent !
De Madrid à Amsterdam
Parti de São Paulo des rêves plein la tête, il côtoie la réalité d’une vie à l’étranger. Réalité parfois brutale qui peut être destructrice mais devient formatrice au fil des rencontres et des choix judicieux.
Je me suis donc retrouvé à Madrid, et à la douane : « – Combien de temps restes tu ? – 3 mois – Tu as des sous ? – Oui m’sieur ». J’ai donc sorti ma liasse et à peine l’avoir déballée que le douanier s’est exclamé : « Oh oui en effet, c’est bon pas de problème ! » Heureusement qu’il n’avait pas compté, 400 dollars ce n’était rien. J’ai tout changé en pesos, je ne savais pas où aller, je n’avais que le contact d’une auberge de jeunesse qui était en plein centre. Premier taxi, première arnaque ! Le chauffeur m’avait fait payer une fortune.
Je suis arrivé à cette auberge de jeunesse, j’y ai pris un lit, j’ai rencontré des gens. En y restant quelques jours, j’ai rencontré des brésiliens (il y avait à ce moment-là pas mal d’immigration en raison du coup financier du président brésilien dont je vous ai parlé). Ils m’ont donné quelques tuyaux pour trouver du boulot, mais je ne parlais pas espagnol, tout était donc plus difficile. Je me suis vite retrouvé à court d’argent, et c’est là que j’ai commencé à vivre dans la rue. Bien sûr j’aurais pu envisager de rentrer au pays, mais ça aurait été pour moi un échec, une défaite.
En effet, ils avaient été nombreux à me dire lors de mon départ du Brésil que les choses allaient être trop difficiles une fois parti et que j’aurais vite fait de revenir. Je ne voulais pas leur faire ce plaisir !
J’ai dormi sur les bancs, dans le métro, je me souviens qu’il faisait froid, c’était la fin de l’hiver. Je me souviens m’être réveillé après une cuite au vin, grelottant un matin à mesure que les effets de l’alcool se dissipaient. Je suis retourné squatter l’auberge de jeunesse, illégalement bien sûr. Après m’y être fait virer deux ou trois fois, j’ai finalement trouvé un boulot et j’ai pris un logement dans une pension. Je faisais des livraisons de tracts publicitaires dans les boîtes aux lettres, ce qui m’avait permis d’apprendre un peu d’espagnol. C’est vrai qu’avec les collègues de boulot, des gars dans la dèche comme moi on n’avait pas de papiers, pas de boulots sérieux, on se comprenait quoi ! Puis j’ai travaillé dans une salle qui organisait des fêtes, le type nous traitait comme des chiens et j’ai fini par me barrer de ce boulot. Un jour j’ai rencontré un couple de brésilien qui avait vécu dans une communauté hippie dans l’Aveyron, la communauté de l’Arche. « Tu peux y aller si tu veux, tu trouveras du boulot, et en échange tu auras le gîte, le couvert… ». C’était plutôt attractif.
À Madrid on a vécu dans la rue avec pour seul bien un sac à dos, c’était rude mais on était jeunes, j’étais dans cet esprit de bohême, et il était exclu de revenir en arrière. Il était aussi exclu de stagner d’ailleurs, j’étais toujours guidé par ce désir d’avancer. Alors avec mon pote de Santa Catarina, Rosano Bisinelli, un brésilien d’origine italienne rencontré à Madrid on a décidé de rejoindre la communauté. On est partis à pied de Madrid et on a traversé la frontière française à Hendaye mais ce fut plus compliqué que prévu car les douaniers français nous ont vite repérés et ils nous ont repoussés en Espagne. Mais on avait la hargne, on était poussés par le besoin de survivre et d’accéder à un futur supposé meilleur alors on n’a pas renoncé. On a suivi la rivière qui borde la frontière, je ne sais plus son nom, pendant un bon bout de chemin puis, loin du poste frontière on a entamé la traversée ! Sac à dos au-dessus de la tête, on est entré dans le lit glacé du courant, on avait peur, de cette peur qui te booste et fait grimper le taux d’adrénaline dans les veines ! Et on est passé, quelle joie ! Quelle victoire ! On s’est retrouvés à Saint-Jean de Luz et on a pris un train pour Biarritz. Devant le casino Royal, je me rappelle, on a été réveillé par la police « Passeport ! ». Pfffff !! On s’est fait passer pour des portugais ayant été dérobés de leurs papiers et argent ! On a du bien jouer la scène parce que on a attiré la sympathie d’une policière qui nous a indiqué une église où on a pu avoir un repas chaud.
On a finalement fait du stop, on avait à ce moment-là une vague carte du coin. Puis nous avons fini par arriver dans la communauté de l’Arche, installée dans l’abbaye de Notre-Dame de Bonnecombe. C’était un ancien monastère où la communauté avait mis en place un potager, une boulangerie et elle y élevait des vaches… Et ils nous ont accueillis à bras ouverts. On a dit qu’on venait de la part de Marco, le type du couple brésilien qui nous avait filé le contact.
J’avais 18 ans… oui 18 ans c’est ça, j’avais déjà fait mon service militaire au Brésil. On a passé l’hiver dans cette communauté, et depuis Madrid, il s’était écoulé un peu moins d’un an. Je me rappelle qu’ils organisaient des stages de danse, comme à Marcevol ! Notamment des danses d’Israël avec une communauté juive qui venait souvent pour les stages. Ils subissaient beaucoup de contrôle de la gendarmerie à la recherche de personnes sans-papiers. C’était au moment de la 1ère guerre du Golfe, alors tout ça était un peu tendu. C’était fort d’ailleurs, cette communauté qui nous cachait au moment des contrôles, ils prenaient d’énormes risques. Nous sommes restés un an dans cette communauté, puis, ne voulant pas abuser, il fut temps de partir. Et jusque-là, rien qui ne touchait de près ou de loin à la capoeira !
Il y avait un couple de français qui habitait sur la frontière franco-suisse, et ils cherchaient des gens pour bosser dans les vignes comme saisonniers. On est parti avec eux, c’était un mois de septembre je crois. Ils nous logeaient. On mangeait, on avait un toit, on gagnait de l’argent. Puis la saison des vendanges se décalait en suisse. « Si vous voulez continuer il faut passer en suisse ! ». Mon pote songeait déjà à repartir à Madrid, il y avait connu une fille, évidemment… Mais moi je voulais continuer. Nous avons repris la route en stop. Neuchâtel, Montreux… puis Rosano a fini par retourner en Espagne. Bien entendu, moi j’ai continué. Un vieux monsieur m’a pris en stop et m’a fait savoir qu’il avait des vignes lui aussi, à côté de la maison d’Alain Prost d’ailleurs ! J’ai bossé dans ces vignes, et là j’ai vu la différence d’organisation en Suisse ! En France c’était sauvage, je me coupais tout le temps, là tout était carré, une place pour chaque chose et chaque chose à sa place ! Je suis resté pas mal de temps avec ce vieux bonhomme. Mais il n’était pas franchement sympa et j’ai fini, encore une fois, par partir.
Je ne me souviens plus très bien, à vrai dire, si mon pote est retourné en Espagne avant ou après la Suisse. Mais toujours est-il qu’il est venu avec moi à Amsterdam ! L’envie d’Amsterdam m’avait pris, et nous y sommes allés en stop, évitant la France, en passant par l’Allemagne. On y est arrivé en quelques jours. Il faut dire qu’Amsterdam à l’époque, peut-être moins maintenant, ça incarnait l’esprit bohême, squat… en tout cas l’esprit authentique de tout ça.
Amsterdam : de la solitude nocturne aux rodas des places ensoleillées
Bien qu’Amsterdam fût la plateforme d’envol vers sa vie de Mestre de capoeira, elle fut d’abord une rude mise à l’épreuve puis une ouverture vers la peinture.
Arrivés là-bas, on a dormi dans une auberge un soir et puis plus d’argent. À nouveau nous sommes retournés dans la rue. C’est là que mon pote est parti pour de bon, il a craqué.
J’ai vécu dans la rue des mois et des mois. Mais là ce n’était pas la misère au soleil de Madrid. Il faisait très froid, j’ai connu les violences de la rue, côtoyé de nombreux clochards… Je mangeais à toutes les églises, ou plutôt tous les râteliers : catholique, musulmans, are-krishna… Il y avait un centre social où tu pouvais prendre une douche et laver du linge deux fois par semaine. Tous ces dispositifs d’accueil étaient mis en place surtout pour les junkies, qui étaient nombreux dans les rues d’Amsterdam…Ces quelques mois ont été très longs et très durs, et je vous passe les choses les plus sombres auxquelles j’ai assisté. Quand j’y repense maintenant en vous racontant, et bien, ça fait encore mal !
Des brésiliens rencontrés dans la rue m’ont indiqué un squat, le Zanzibar. C’était un squat avec un bar, un point de rencontres des brésiliens d’Amsterdam. C’est là que j’ai rencontré Samara, mon Mestre. Non, en fait, je l’avais déjà vu avec ses élèves faires des rodas dans la rue. Il habitait une maison juste à côté du Zanzibar. Il y vit toujours d’ailleurs ! Ah oui, et puis Marreta aussi, je l’ai rencontré là-bas. Je suis resté peu de temps au Zanzibar car on m’avait dit qu’une « place » s’était libérée dans un autre squat, j’ai donc déménagé. C’est seulement après mon déménagement que Samara m’a proposé de m’entraîner avec lui. « Mais je n’ai pas un centime ! – T’inquiète pas pour ça, m’avait-il répondu ».
C’était en 1991 ou 92. C’est là que j’ai commencé à peindre aussi. Dans les squats j’ai connu pas mal d’artistes, il y avait ce côté bohême, hippie, alternatif. Mais mieux qu’aujourd’hui, aujourd’hui ça a changé. Et la peinture m’a donné une vie, je peignais les squats au début, littéralement. Puis un artiste m’a appris à faire des cadres, des toiles, m’a expliqué où acheter le matériel, et je suis passé des murs au toiles.
La peinture a commencé presque en même temps que la capoeira. Je peignais, je m’entrainais, je bossais en restauration, j’étais livreur de journal à vélo… Je me souviens qu’il y avait un élève de Samara qui était franco-brésilien (qui a arrêté depuis), et on s’entrainait souvent tous les deux. On est vite devenus bons je dois dire. Je faisais des démos dans la rue et je me servais des recettes pour rembourser Samara qui me donnait un peu d’argent car il savait que je galérais. C’est aussi grâce à ces démos que j’ai beaucoup appris musicalement, la musique c’était aussi une façon de gagner de l’argent. Ces démos je ne les faisais pas tout seul, Bruzzi était là aussi ! Et un gars de Recife avec qui je suis toujours en contact, et puis des jeunes comme moi qui avaient « fuit ».
J’ai commencé à remplacer Samara, j’allais en cours tous les jours, j’apprenais vite. Tout le monde venait chez nous dans le squat, il y avait un sauna et on organisait des rodas, des batucadas (ce lieu existe toujours mais maintenant ce sont des restaurants…). On avait une cassette de Mestre Toni Vargas, et une cassette de Suassuna qu’on écoutait en boucle. Pendant l’été on organisait des rodas dans la rue, il y avait Requeijao, Grilo, les élèves de Marreta, Mestre Araminho était là aussi (il est arrivé plus tard lui), et c’est là que j’ai beaucoup appris, dans ces rodas de 14h à 23h ! Requeijao est parti en Allemagne tout de suite après d’ailleurs. Sur une place nommée la Dam Central, les rodas nous procuraient un peu d’argent, et bien sûr il y a eu des problèmes de partage, certains s’en mettaient dans les poches en faisant passer le pandeiro… Finalement on a fait un groupe plus restreint et on faisait des rodas itinérantes, il y avait moins de bagarres comme ça !
Chez moi c’était le studio de musique, et le vécu des rodas de rue m’ont beaucoup appris. J’avais déjà des propositions de voyages avec Samara, c’est comme ça que je suis allé en Finlande la première fois. Il y avait un autre élève de Samara qui était aussi une « étoile montante », mais par jalousie envers moi il a arrêté, enfin c’est ce que Samara m’a dit… !
Pour remercier Samara de ce qu’il faisait pour nous, d’un point de vue de la capoeira mais aussi d’un point de vue humain, on était bénévole à son festival (cantine, ménage…), et parfois j’allais faire des cours. En Allemagne, Paulo Siqueira nous invitait tout le temps à Hambourg, c’était le plus gros évènement d’Europe à l’époque, bien sûr il n’y en avait pas beaucoup, mais bon…C’est dans cet évènement que je me suis fait un réseau : Camisa Roxa, Acordeon, Paulo Sorriso, Suassuna, Mao Branca, Mestre Sabia… Mestre Sorriso je l’ai connu à Amsterdam par contre. C’est en étant en Europe que j’ai eu la chance de rencontrer tout ce monde, ils étaient tous invités, et comme il n’y avait pas encore beaucoup de capoeira en Europe, ils atterrissaient forcément au même endroit. Ça me boostait, je continuais les démos, les déplacements en stages avec Samara, j’étais déjà acrobate à l’époque !
Puis la professionnalisation est arrivée, je donnais des cours, mais je ne pensais pas faire de la capoeira ma vie.
Au cours de l’évènement de Grilo en Allemagne, j’ai rencontré Nadine qui est devenue ma copine et qui m’a rejoint à Amsterdam où on vivait ensemble. Au bout de quelques temps, elle m’a proposé le mariage afin de nous faciliter la vie. Nous sommes allés au Brésil où nous nous sommes mariés, cela faisait 6 ans que je n’y étais pas retourné. Ma mère était toute retournée que je fasse de la capoeira, elle m’engueulait au téléphone quand je lui racontais !
Nous avons ensuite célébré notre mariage simplement dans la famille de ma copine. En rentrant à Amsterdam, Nadine a eu le mal du pays et nous sommes allés nous installer en France, en Vendée chez ma belle-mère. J’ai connu Mestre Branco et ses élèves, c’était ses débuts. Je bossais dans un bar à ce moment-là. Samara et Grilo sont venus et on faisait des démos tous les 3 dans les bars, les boîtes de nuits, on mettait des CD et on jouait la capoeira devant un public qui découvrait complètement cette activité. Il y avait un français qui commençait à s’entraîner et cherchait des gens pour travailler dans la capoeira. J’avais déjà eu des propositions de boulot, en Finlande par exemple, ils voulaient que je reste à chaque fois que j’y allais. J’étais corde bleue à l’époque. Ce français, Emmanuel Lacherré, je l’avais rencontré dans l’abbaye de Bonnecombe à la communauté hippie ! Il était d’Albi, et avait un plan pour une maison à la campagne, on y est allé avec ma copine. On a fait des démarches en préfecture, on avait les papiers pour bosser, et on s’entraînait à Albi (aux Farguettes) dans le jardin d’Emmanuel. Puis j’ai trouvé un dojo où j’ai commencé à donner des cours, à Blaye les Mines. Puis, avec le soutien d’Emmanuel, la MJC d’Albi nous a accueillis pour mes cours. Je faisais tout en vélo à l’époque, il y avait une montée de fou d’ailleurs en sortant de Carmaux pour aller vers le Tarn ! Oui le vélo fait partie de ma vie depuis bien longtemps…
Puis je me suis séparé de ma copine et suis arrivé à Toulouse. Emmanuel faisait de la capoeira avec Cesar Palito, le premier capoeiriste à Toulouse. Moi j’ai trouvé des salles, j’ai commencé des cours à Planet Gym, j’ai monté l’association Capoeiragem, je commençais les démarches par moi-même. Je faisais un cours par semaine dans une école de danse, l’école James Carlès aux amidonniers. C’est là que j’ai connu Pe de Moleque (Yann), son père bossait dans cette école de danse. Il organisait un festival de danse contemporaine Toulouse-Bahia, il était en lien avec le Brésil. Yann était encore adolescent, et c’était là le début de ce que vous connaissez.
Quand tu es parti du Brésil, tu ne pensais pas devenir un ambassadeur de la culture brésilienne, pourtant c’est le cas 19 ans plus tard : quel regard tu as sur ton parcours ?
La capoeira m’a rapproché de ma propre culture, c’est très juste.
Avant il fallait bosser, réussir dans la vie selon la voie classique avec laquelle on nous bassine… et ce n’est que plus tard que j’ai compris que le Brésil pouvait m’apporter autre chose. Je n’avais jamais baigné dans la culture brésilienne avant, c’était surtout la culture commerciale américaine qui nous stimulait lorsque nous étions adolescents. J’étais dans le brouillard en partant du Brésil. J’avais le nez dans le guidon, je me levais à 5h du matin, le bus à 6h, le boulot à 7h, le lycée à 17h, je rentrais à minuit et recommençais le lendemain ! J’avais déjà une conscience politique, je dirais, mais il me manquait quelque chose, je ne trouvais pas le moyen d’avancer et de me projeter malgré tout ce que le Brésil avait à me proposer, et c’est pour ça qu’il a fallu que je quitte Babylone ! Quand je suis parti je voulais seulement découvrir le monde, et c’est en Europe avec la capoeira et les percussions que tout a commencé. Et quand je repense à la manière avec laquelle j’ai été vite absorbé, je me dis que tout ça était déjà en moi, en incubation. C’est comme-ci cet amour de la capoeira et de la percu était un germe qui attendait les bonnes conditions « environnementales » pour grandir, fleurir et se reproduire. Si j’étais resté au Brésil, j’aurais peut-être pris cette décision, ce tournant de vie, mais peut-être pas…
Si je regarde maintenant mon travail, je me souviens qu’au début de Capoeiragem j’étais une vraie pile ! Je donnais 20h de cours par semaine ; école de l’aéronautique, Ramonville, Muret (où j’ai rencontré Yohann), Colomiers, Croix de pierre, Empalot, Croix-Daurade (et tout ça en vélo !), et j’allais le soir faire deux cours à Planet Gym, j’appelais ça mon mercredi de la peur. En plus à l’époque mes cours duraient deux heures ! C’était galère, quand j’allais à Colomiers en vélo parfois je n’avais personne au cours. Je repartais en ville, j’allais tracter, coller des affiches, faire des démos tout seul. Peut-être que je n’étais pas en phase avec l’époque, et il est possible que j’ai trop donné à un moment où la demande n’était pas encore là. La capoeira n’était pas connue comme aujourd’hui et il n’y avait pas beaucoup d’adhérents. À un moment je crois que je me suis trop dispersé car je voulais monter une pièce de théâtre. Je l’avais même écrite, à partir d’un texte de Jorge Amado. J’ai même été maître de stage pour un étudiant et je me suis retrouvé à la fac dans un jury pour lui donner sa note ! Ensuite avec la venue de Maël les choses ont aussi changé avec des responsabilités différentes. Puis j’ai été contraint de réduire mon activité avec mes histoires de hanche.
Pour ce qui est de mon travail et de l’aboutissement, je dois dire que mes plus anciens élèves ont mis du temps à se décider pour devenir enseignants. Et puis ils ont réussi à rassembler l’outil utile à l’agréable dans ce contexte culturel qui leur parle. Pour moi c’est une satisfaction de voir les mecs qui vivent de ça ainsi que les jeunes profs qui donnent les cours en plus de leur boulot. Ils aiment donner les cours, leur travail prend forme et ça marche super bien.
Au début avec Yann (Pe de Moleque), le deal était qu’il me remplace et qu’il ne paie plus ses cours. Pareil avec Yohann (Espeto). Puis ils ont développé leurs propres cours. À Yohann j’ai donné les cours enfants que j’avais et il y a trouvé sa place. À l’époque j’étais débordé avec la naissance de Maël, le local associatif que l’on avait. Yo a vachement développé les cours enfants, quand tu vois le festival pour enfants qu’on fait maintenant. C’est super et beaucoup nous envient ! D’ailleurs je ne me souviens plus exactement pourquoi on a décidé de créer ce festival enfants mais je crois qu’il y avait trop d’enfants pour pouvoir conserver un seul festival.
Aujourd’hui, l’association Capoeiragem, que j’ai créée il y déjà longtemps, est une sacrée machine. Depuis toujours, notre organisation, notre formule a un fonctionnement démocratique, j’ai toujours voulu laisser de l’espace aux gens et rétribuer leurs investissements. Je crois que ma politique fonctionne et on est stable grâce à la place que je laisse aux autres. L’équipe, la « team » comme on dit travaille de concert et l’entente y est bonne, d’ailleurs en témoigne l’organisation du festival ! On nous le dit souvent qu’il fait bon venir chez nous ! Par rapport à d’autres grands évènements, on n’a pas à rougir de notre festival depuis 20 ans ! Pour moi c’est une politique adaptable à toutes les époques dans un concept d’association, tant que t’es réglo, ça marche. Le temps passe et ça tourne bien, on bricole mais on a quand même des salariés, on rémunère les gens, on les défraie, on trouve des arrangements pour les dépenses des uns et des autres. J’ai l’esprit tranquille pour la suite. Le relais est en route. « La team » a les choses en main depuis plusieurs années et gère très bien. Le schéma administratif est bon, des réunions sont organisées régulièrement et les comptes sont tenus correctement. Je suis très content et satisfait, au moment même où mes projets au Brésil seront peut-être la source de plus d’absences. Je ne sais pas, peut-être que je ferais plus de supervision et donnerai moins de cours. On n’est jamais sûr de la sécurité et du « fonds de commerce » de l’association, mais ça fait 20 ans qu’on est là, et surtout encore bien placé dans un contexte de forte concurrence si je puis dire.
Un des rares regrets que j’ai c’est de ne pas profiter du dispositif de l’asso pour faire valider des diplômes d‘éducateurs, faire des formations diplômantes. Mais on y travaille, et en ce moment je suis sur la validation d’acquis du brevet d’éducateur sportif.
En parallèle, j’essaie de passer à autre chose avec mon projet d’ONG. Je veux évoluer mais toujours en contact avec la capoeira, la musique, la percussion, et je dois passer par ce projet culturel pour tout rassembler. J’espère que cela pourra profiter à tout le monde, en termes de voyage, d’échanges humains, et pourquoi pas continuer de créer des vocations, libérer les gens de Babylone !
Le challenge est permanent, il faut toujours trouver des idées pour avancer et rester attractif, avec comme mot d’ordre de continuer à se faire plaisir dans notre travail. Il faut développer le dispositif à fond pour rester stable, chercher des subventions pour la notion de service éducatif de notre pratique, faire valoir nos acquis, mais moi je ne peux plus le faire tout seul comme avant. C’est à la nouvelle génération de créer encore plus que moi. Moi je suis là, disponible, mais je choisis de m’investir dans d’autres choses avec l’idée d’en faire profiter tout le monde, mais il faut mettre toutes les bonnes volontés sur le coup. Le projet que je veux développer est dynamisant, collectif, et l’on ne peut rester juste une asso qui fournit des cours de capoeira. Même si l’association maintient parfaitement bien le cap, il faut se dynamiser plus encore. Le dispositif est là, au travers de notre asso et des labels que nous avons obtenus, mais encore faut-il exploiter ce dispositif.
Dans la capoeira, l’offre est allée plus vite que la demande, de nombreux groupes se montent, et peut-être faut-il être encore plus réactif sur les démos, les contacts avec les collectivités, les stages, le développement culturel autour de la capoeira, de la création d’outil d’éveil corporel, d’éveil sensoriel au travers de la musique et des chants, organiser des voyages inter sportifs, inter culturels au Brésil, il y a plein d’options, avant on avait même de la capoeira pour les jeunes dans les quartiers difficiles. Le travail dans la capoeira doit être en recyclage permanent, il faut structurer sa pensée, rester dynamique et ambitieux, et le pire qu’un capoeiriste puisse faire, c’est se reposer sur ses lauriers.
Pour finir je dirai que j’aurais peut-être gagné plus d’argent en faisant le métier d’électricien pour lequel je me suis formé mais je n’aurai pas autant voyagé et je crois que je n’aurai pas eu cette satisfaction professionnelle. De plus, je n’aurai pas eu cette liberté si chère, si précieuse et le problème de notre époque, est que l’argent ne paie plus le temps que tu perds !