Par Laura, Capoeiragem, Ecole Senzala Toulouse - Février 2020
On entend Lampião dans certaines chansons de capoeira, mais qui était-ce ? Petit voyage historique pour vous le présenter !
« Rei do Cangaço, é Virgulino apelido é Lampião »
Dans une région du Nordeste brésilien se trouve le sertão, un arrière-pays sec et aride, une sorte de Far West tropical. Cette zone géographique, désolée et enclavée par rapport au littoral a connu de nombreuses sécheresses et la végétation y est sauvage, épineuse, c'est ce qu'on appelle la caatinga. Principalement rural, ce grand désert engendre de nombreuses inégalités sociales et économiques entre les propriétaires terriens et les petits paysans. Dans ce contexte où les rapports sociaux sont compliqués naît le cangaço, une forme de banditisme social où les membres du groupe, des bandits nomades, parcourent le territoire à la recherche d'argent et de nourriture, dans un esprit de vengeance et de révolte contre l'injustice sociale. Le cangaçeiro le plus célèbre est Virgulino Ferreira da Silva, surnommé Lampião (« lanterne »). Considéré comme le Seigneur du Cangaço, Lampião entre dans le banditisme, après l'assassinat de son père, un petit paysan, par la police. Il est surnommé Lampião par un de ses camarades car la vitesse de ses tirs de fusil éclaire la nuit comme une lanterne. Fin stratège et homme lettré, Lampião devient très vite le chef du cangaço, le « gouverneur du sertão ». Sous ses ordres, entre 1922 et 1935, le cangaço connaît son apogée à tel point qu'une police mobile mandatée par l’État est envoyée pour traquer ces bandits. Mais les forces de l'ordre ont beaucoup de mal à s'emparer de lui. Lampião développe des stratagèmes et des techniques de luttes qui font de lui un personnage de légende, à tel point qu'il a la réputation d'être un corpo fechado, un guerrier tout-puissant, protégé par la magie, un homme inatteignable, invulnérable aux balles et aux couteaux. Avec sa bande, ils terrorisent les habitants du sertão en ordonnant des tribus aux propriétaires fermiers. Ils brûlent des propriétés et torturent leurs opposants, ils attaquent des convois et fomentent des enlèvements pour obtenir des rançons. Ils défilent dans les rues des villes qu'ils pillent en entonnant leur hymne de guerre « Mulher Rendeira », chanson écrite par Lampião. Néanmoins, les cangaçeiros sont soutenus par la frange la plus pauvre de la population, envers qui ils sont charitables.
Mode de vie et esthétique
Les Cangaçeiros
Traversant à pied ou à cheval le sertão, ces brigands nomades connaissent parfaitement leur région. Pour vivre, ils exploitent les ressources de la nature, de la caatinga. Ils trouvent autour d'eux de quoi soigner les blessures par balles ou les morsures de serpents. Les armes qu'ils ont, pour la plupart, volées à la police, sont des fusils de chasse et des revolvers.
Aussi, leur esthétique singulière leur confère une grande renommée et permet au mythe de s'enraciner. Ils portent des habits de cuir, ornés de toutes sortes de rubans colorés et de morceaux de métal. Ils se parent de bijoux volés : des colliers, sautoirs, anneaux, boucles d'oreilles et autres marques ostentatoires. Ils portent de grands chapeaux de cuir redressés qui ornent leurs têtes telles des couronnes. Les hommes de Lampião façonnent une image baroque et romantique qui enflamme l'imaginaire populaire.
Maria Bonita
Lampião et Maria Bonita
En 1930, Lampião rencontre Maria Déa, surnommée Maria Bonita. Ils tombent amoureux et Lampião la fait entrer dans son groupe. Elle devient le personnage féminin le plus emblématique du cangaço puisqu'elle est la première à s'établir véritablement dans le groupe. Les prédécesseurs de Lampião ne permirent jamais la présence permanente de femmes avec eux, considérant qu'elles représentaient un danger. Après elle, de nombreuses femmes intégreront le groupe. Maria Bonita sera aux côtés de Lampião jusqu'à leur mort en 1938.
Mort de Lampião
Mort de Lampião - têtes décapitées
En 1938, Lampião à la tête de « 400 hommes » est recherché par la police volante. Ce n'est qu'au moyen de la trahison qu'elle parvient à le tuer. Sous la torture, un commerçant révèle la cachette de la bande. Ils sont pris dans la nuit, à l'improviste et sans sommation. Le lendemain, les têtes de Lampião, de Maria Bonita et de 9 autres cangaceiros sont exposées sur les marches de l'église principale du village en acte de dissuasion.
Bandit ou héros ?
L'idée même du cangaçeiro implique cette double identité de criminel et de héros. Lampião est avant tout un bandit, un criminel sanguinaire et violent, un pillard qui a semé la terreur dans la région du sertão. La violence dont il a fait preuve à l'égard des habitants, des femmes, et des policiers est bien réelle et parfois gratuite. Cependant, la légende a infléchi son image dans un sens positif puisqu'il est célébré comme un héros populaire, un justicier qui s'apparente à Robin des bois. Il est mythifié en tant qu'homme courageux et fin stratège qui a osé se rebeller contre les forces dominantes, en faveur de la justice sociale. Ainsi, l'aversion contre la police, les questions d'honneur et de justice sociale infléchissent l'opinion publique en faveur des cangaçeiros. Ils sont applaudis pour leur audace et leur courage. Leur rébellion, bien que parfois sanguinaire et primitive, représente un véritable pas en avant dans l'émancipation des pauvres du sertão.
Lampião dans la capoeira
Lampião devient un héros populaire et sa renommée est célébrée dès son vivant dans la littérature de cordel, littérature populaire de colportage. Aujourd'hui encore, cette célébration du Capitão Lampião se poursuit dans le folklore brésilien et se retrouve notamment dans les chants de capoeira. Certaines chansons racontent son histoire, d'autres célèbrent sa force et ses valeurs. Au côté de personnages comme Zumbi dos Palmares ou encore de Besouro Maganga, Lampião devient une figure populaire emblématique, figure de résistant à l'oppresseur et symbole d'émancipation et de liberté.
Quelques chansons avec Lampião
Rei do Cangaço
Rei do Cangaço
É Virgulino, apelido é Lampião
Lélélélé ô
Rei do Cangoço
É Virgulino, su apelido é Lampião
Lampião desceu a serra
Deu um baile em Cajazeira
Convido Maria Bonita
Pra dançar Mulher Rendeira
Lélélélé ô
Rei do Cangoço
É Virgulino, su apelido é Lampião
Audio : t'as qu'à v'nir au cours de Yo ou à la roda du vendredi.
Oi, sim não não
Lampião subiu a serra
Oi, parava em Canjazeira
Covido nossa donzela
Pra dançar Mulher Rendeira
A mulher de Vila Nova
Tem a sua occupação
Ela fica na janela
Lembrando o Lampião
Oi, sim não não
Olha a pisada do Lampião
Oi, sim não não
O, pisada do Lampião
Oi, sim não não
Cangaçeiro do sertão
Oi, sim não não
https://www.youtube.com/watch?v=JVKfFtkmqQc&t=158s
Audio à 27'17
Ê ê ê, tum tum tum
ê ê ê, tum tum tum
Olha a pisada do Lampão
ê ê ê, tum tum tum
Lampiao desceu na serra
ê ê ê, tum tum tum
Deu um baile em Cajazeiro
ê ê ê, tum tum tum
https://www.youtube.com/watch?v=bpRPBRQlH54
Audio avec plus de paroles