Como vai você ? #14 La magie de la Capoeira, focus sur le parcours de Sandie

Como vai você ? #14 La magie de la Capoeira, focus sur le parcours de Sandie

Par Sandie, Capoeiragem, Ecole Senzala Toulouse - Novembre 2024

On entend souvent dans les chansons que la capoeira a fait grandir, qu’elle a « sauvé » les uns, aidé beaucoup aux autres. Ce qui est certain, c’est que la Capoeira laisse une empreinte, plus ou moins importante, pour quiconque se laisse embarquer dans son univers.

On ne fait pas de la Capoeira, on devient Capoeiriste dès lors qu’on commence le voyage.

https://youtu.be/kiiu35VI_5A?si=hhDPoEJmlCtvrvqD

 

J’ai commencé la Capoeira dans le Gers avec Pé de Moleque. Avant cela, j’avais essayé quelques sports dans ma jeunesse, mais jamais de façon durable. 1 an de basket au collège, 1 mois de hand au lycée et 2 ans de Jujitsu un peu plus tard. J’ai toujours été à la recherche d’une activité sans jamais trouver quelque chose qui me passionnait. Il faut dire que les disciplines sportives et artistiques n’ont jamais été encouragées dans ma famille. « on est pas des sportifs ». Et j’ai une fâcheuse tendance à ne jamais finir ce que j’ai commencé quand ça devient trop dur.

Le sport à l’école ? ma pire matière. On n’avait pas assez d’argent pour que je puisse faire de la musique, et celle enseignée au collège était très limitée. 

C’est assez tardivement qu’une amie m’a proposé de faire de la Capoeira comme on se dit « tiens l’année prochaine, ça te dit qu’on fasse de la zumba ? » J’avais besoin de bouger donc j’ai dit ok, je vais tester. Elle avait fait de la boxe, et savait de quoi ça parlait.

Et voilà, en 2012, je découvre la Capoeira, discipline complément inconnue pour moi. J’arrive avec mon bagage : une timidité maladive, un énorme manque de confiance en moi, une peur atroce du regard des autres, mon manque de souplesse, et mon absence totale de coordination. Je n’avais qu’une chose pour moi, mon endurance (à ce moment je préparais un semi-marathon). Je pense qu’à l’époque j’étais fataliste. Si je n’arrivais pas à faire quelque chose facilement, c’était que, quoi que je fasse, je n’y arriverai pas. Je n’avais pas vraiment le goût de l’effort, si l’issue était incertaine. 

Et puis, j’ai commencé à courir, et comme j’étais de plus en plus à l’aise, je me suis lancée un défi. J’avais juste pour ambition de finir une course, et j’ai réussi à faire moins de 2h00 au semi-marathon de Tournefeuille, et à partir de ce moment-là, j’ai réalisé qu' avec du travail, tout était possible. 

Alors c’est ainsi que j’ai commencé la Capoeira à 38 ans sans n’avoir jamais réussi une roue de ma vie. Je savais que je venais de très loin, et que si je voulais m’amuser, il fallait que je bosse. En parallèle des cours (1 par semaine à cette époque), je continuais à courir, et je m’imposais 45 mn d’étirements et de gainage tous les soirs. 

En quelques mois, j’ai réussi à faire des roues. Je me souviens, le déblocage s’est fait au stage organisé à Pibrac. Il y avait des tapis et je me suis lancée. Ça a été le déclenchement de mon engagement. Tout est vraiment possible ?

Le plus dur, ça a été de combattre le regard des autres. Il m’a fallu beaucoup de temps pour rentrer dans une rode. La roda de Toulouse était ouverte au élèves de Yann (Pé de moleque), mais j’étais impressionnée. Il m’a fallu 5 ans pour trouver le courage d’y aller. Il y avait du niveau et je n’y trouvais pas ma place (en fait, je n’en savais rien, je n’y étais jamais allée).

J’ai passé ma corde blanche en mars 2013. Mestre Samara me donna comme apelido « Quero ver », ce qui veut dire « je veux voir ». Il faut dire que ma prestation n’a pas été mémorable. J’étais terrorisée. Il m’a dit y a quelques temps qu’il m’avait donné ce surnom parce qu’il avait des doutes sur ma « durabilité » dans la Capoeira. Je n’étais clairement pas identifiée comme une « Estrela ».

Je veux voir… si elle va continuer

Mais la capoeira m’a engloutie. Je chantais les chansons de Capoeira sous la douche, ou en promenade avec ma fille, mais jamais devant du monde. J’ai rapidement touché un pandeiro, parce que l’aspect musical était abordé à chaque cours. D’ailleurs, il y a une anecdote à ce sujet. J’ai commencé à apprendre le Pandeiro avec beaucoup de difficultés. Je me suis rendu compte au bout de quelques mois, que mon professeur était gaucher et que j’essayais de faire comme lui, alors que j’étais droitière. Ça a été plus simple après rectification.

La capoeira est une discipline difficile et qui génère beaucoup de frustrations, et si on n’est pas prêt à accepter les échecs, on ne peut pas avancer. Chanter, apprendre le rythme, jouer les différents instruments, puis chanter en jouant de la musique, apprendre à faire des acrobaties et accepter de tomber, apprendre à se déplacer et avoir l’air d’un dinosaure au début… L’égo s’en prend plein la tête. Mais tout ça fait grandir (même si je suis restée en dessous des 1.60m). Chaque pas, chaque victoire sur moi-même est une récompense inestimable.

Pendant des années, j’étais persuadée que je serai une éternelle débutante. D’ailleurs, je suis restée longtemps dans les cours débutants dans les stages ou festivals, considérant que je n’avais pas le niveau pour aller au-dessus.

En 2017, j’ai commencé à prendre plus de cours. Yann avait ouvert un cours supplémentaire au dojo de Samatan et comme je travaillais sur Toulouse,  j’ai contacté Florent qui donnait des cours le mercredi midi. Je suis passée de1 à 3 cours par semaine. C’est l’année qui a suivi que j’ai osé aller à la roda du vendredi soir à Toulouse aux acacias. On a commencé par un cours de musique avec Afonso, ensuite on a fait 2 rodas (il y avait du monde) puis une. Ça m’avait impressionné tous ces Capoeiristes qui jouaient du bérimbau (« moi je ne serai jamais capable de faire ça … ») 

5 ans avant d’aller « avec les grands ». En fait, cette roda était impressionnante pour moi, mais en réalité, il y avait tous les niveaux, débutants et avancés.

2017 a marqué un tournant dans ma capoeira. Avec la progression dans mon jeu est venue la confiance en moi. Et c’est cette confiance qui m’a aussi permis de progresser. J’ai également participé à mon premier Marcevol, où j’ai pris conscience de l’importance de l’attitude, de la gestuelle propre aux Capoeiristes.  Je suis rentrée dans le cercle vertueux. Je suis devenue moi, celle que je séquestrais au fin-fond de mon âme. Ce qui m’a encouragé à changer de vie et quitter l’Isle Jourdain pour me rapprocher de Toulouse.

C’est pendant le COVID, 2020, que j’ai commencé à me mettre plus sérieusement à la musique. On faisait de la musique tous les jours avec Flo, j’étais portée par sa motivation et ses encouragements.

Je me souviens parfaitement du moment où j’ai réussi à chanter en jouant « angole » au Bérimbau. En 2021, Florent se fait une rupture des ligaments croisés et en septembre, je dois le remplacer pour les cours du mercredi midi. Je l’avais déjà fait quand il était en déplacement, mais cette fois, il est là et me débriefe sur mon cours, me donne des conseils et, petit à petit, je prends confiance en moi dans l’enseignement.

En 2022, l’association Capoeiragem Tournefeuille se réveille d’un repos imposé par le COVID et je fais désormais partie de cette aventure. J’ai d’abord un créneau ados-adultes avec 3 élèves et Flo assure les cours enfants, en plus des adultes du mercredi et vendredi midi. 

En septembre 2024, j’ai deux créneaux avec 7 ados, et 5 adultes. Et je m’éclate à transmettre ce qu’on m’a enseigné et ce que je continue d’apprendre dans les cours et les stages extérieurs. 

La Capoeira rythme ma vie. Je donne des cours, je continue mon apprentissage en allant aux stages extérieurs (une vingtaine par an) et aux cours de « Météo France » avec Florent, ceux d’Afonso également. Quand je peux, j’aime aller visiter mes amis du Gers. J’ai plus de 200 chansons dans mon répertoire musical et je ne manque pas une occasion d’en travailler de nouvelles. Je bosse la musique aussi beaucoup à la maison, les occasions sont multiples : essayer une nouvelle calebasse de la récolte passée, essayer les nouveaux bois, les associer avec les différentes « chaussures » qui n’ont pas encore trouvé leur « pied », travailler une variation entendue quelque part, ou juste pour le plaisir. Il ne se passe pas une journée sans que la capoeira ne soit présente. En 2012, j’étais très loin de m’imaginer avoir la corde bleue un jour, encore plus loin de penser que j’allais donner des cours.

J’ai la chance de partager ma vie avec un passionné de la Capoeira, tombé dedans il y a 20 ans. L’envie et la motivation étant contagieuses, ça multiplie au quotidien les occasions de jouer, de chanter et d’avancer dans les projets liés à la Capoeira.

Renaud chantait «  c’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme ». Pour la Capoeira c’est pareil.

 Moi la Capoeira elle m’a prise, je me souviens c’était un mercredi.